• se libérer
    se libérer

    Intégrer des expériences difficiles ou douloureuses par la thérapie des schémas, l'EMDR-DSA®, l'intégration du cycle de la vie®.

  • comprendre et transformer
    comprendre et transformer

    Se libérer des troubles anxieux, dépressifs, somatiques ou dysfonctionnels, en mettant à jour ses encodages expérientiels et émotionnels, vers la transformation et l'évolution.

  • évoluer
    évoluer

    Préserver sa santé au travail par la psychologie clinique du travail, retrouver ses points d'appui et développer de nouveaux horizons.

  • s'équilibrer en couple
    s'équilibrer en couple

    Identifier les ressources et forces du couple pour traverser les épreuves ensemble.

Marie-Christine Abatte

L'apparence requiert art et finesse. La vérité, calme et simplicité.

Emmanuel KANT

Psychologue, thérapeute, j'aide les personnes qui le souhaitent à retrouver du sens, un nouvel équilibre, un mieux-être, un développement, ou une nouvelle direction à leur parcours de vie.

Signature de M-Christine Abatte - Psychologue

Mon cabinet

Je consulte dans le Tarn, ZAC des Terres Noires 693 avenue des Terres Noires à St-Sulpice-La-Pointe

et à distance en visio (me contacter pour les modalités),

Les consultations se font uniquement sur rendez-vous.
N'hésitez pas à me contacter pour plus d'informations : 07 83 43 25 66.

Les derniers avis reçus

tous les avis
M-CHristine Abatte - Psychologie du travail

Vie professionnelle

L'épuisement professionnel et le burn-out apparaissent souvent insidieusement, les manifestations sont variées et résultent des sollicitations auxquelles l'individu doit faire face au travail : fatigue psychique et émotionnelle, irritabilité, troubles de la mémoire ou de la concentration, difficultés relationnelles. 

Spécialisée en clinique de l'activité, je vous accompagne dans le cadre d'une période difficile ou douloureuse au travail, pour retrouver une dynamique de carrière, un bien-être et une meilleure qualité de vie.

  • Stress au travail & burn-out

Le stress au travail est un déséquilibre entre ce que l'on demande à une personne de réaliser au travail, et les ressources dont cette personne dispose pour le faire. Le stress au travail qui tendrait à durer va impacter la santé de la personne, mais aussi le fonctionnement de l'entreprise elle-même. Des solutions existent dans les 2 cas.

en savoir +
M-CHristine Abatte - Thérapies complémentaires

Vie personnelle

Mon approche réunit différentes méthodes thérapeutiques et cliniques, en considérant la personne dans sa globalité, et en intégrant son univers dans une démarche sur mesure pour l'accompagner au mieux sur son chemin. Ma boîte à outils est moderne et évolutive, je me forme régulièrement et acquiers de nouvelles pratiques et techniques, intégrant les dernières avancées issues des neurosciences.

  • EMDR-DSA
  • ICV®
  • Emotions et somatique
  • Schémas
  • Couple & sexologie
  • Mémoire et cohérence

Largement connues aujourd'hui du grand public, l'EMDR® contribue à relancer le processus de traitement cérébral de l'information. La désensibilisation par des stimulations sensorielles alternées (DSA), vise à débloquer les émotions empêchées pour une libération profonde et durable.

en savoir +

L'Intégration du Cycle de la Vie® est une technique nouvelle issue des avancées des neurosciences qui permet, sur quelques séances, de réparer un événement précis et, sur un temps plus long, d'apporter un apaisement et une base de sécurité dans le cas de traumatismes complexes.

en savoir +

Les troubles psycho-émotionnels, somatiques ou idiopathiques sont en lien avec une adaptation-défense du cerveau à la suite d'un stress important, d'un choc ou d'un traumatisme. Les thérapies psycho-émotionnelles permettent, par un micro-choc en retour, de s'en libérer.

en savoir +

Issue des thérapies cognitives, l'hypothèse de travail en schémathérapie ou Thérapie des schémas, est que les problématiques faisant souffrir l'individu viennent de l'enfance et de l'adolescence. L'émotionnel est au centre de la démarche, l'individu est aidé à faire le lien entre l'actuel et son vécu antérieur d'enfant, à repérer et à comprendre son fonctionnement, et modifier les schémas vers des comportements plus sains.

en savoir +

La thérapie du couple est une démarche thérapeutique pour découvrir le mode de fonctionnement/dysfonctionnement du couple. C'est le couple qui est accompagné et soutenu pour traverser la crise.

en savoir +

La thérapie de la cohérence exploite les découvertes récentes en neurosciences pour aider les individus à modifier leurs mémoires émotionnelles. Cette approche propose un nouvel espoir aux personnes qui cherchent à changer des schémas émotionnels indésirables. Elle repose sur le processus de reconsolidation de la mémoire, qui permet de rendre ces mémoires émotionnelles plus flexibles et adaptatives.

en savoir +

Des questions ?

N'hésitez pas à me contacter pour toute demande d'information.

Le pli du psy

Articles récents

DE LA CREME AU BEURRE : ENTRE SURVIE ET RESILIENCE

Comme le disait Victor Hugo, « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Cette vérité résonne particulièrement dans une histoire simple mais profonde, celle de deux souris confrontées à leur destin dans un seau de crème. Une parabole rendue célèbre par le film "Arrête-moi si tu peux" de Steven Spielberg, mais dont la portée dépasse largement le cadre cinématographique pour toucher aux fondements mêmes de notre capacité à survivre et à nous transformer.

 

La métaphore du seau de crème

 

Cette histoire, c’est celle exposée par Frank Abagnale _ père de Franck Abagnale Jr. incarné magistralement par Leonardo Di Caprio  _ lors d’un discours au Rotary Club devant un parterre de personnalités influentes : « Deux petites souris tombent dans un seau plein de crème. La première souris abandonne très vite la lutte et se noie. La deuxième souris ne renonce pas, elle se débat tant et tant qu’elle finit par transformer la crème en beurre. Et elle sort du seau... 

Messieurs, à partir de cet instant, je suis la deuxième souris ! »

Cette histoire nous rappelle les célèbres mots de Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ». Au-delà de l'adage populaire, cette métaphore illustre une réalité psychologique plus profonde : la capacité de transformation face à l'adversité.

 

Entre neurobiologie et psychologie : les fondements de la survie

 

Steven Spielberg nous offre une fascinante illustration de virtuosité entre confiance en soi et instinct de survie, mettant en scène l’histoire vraie d’un adolescent de 16 ans connu pour être l’un des escrocs les plus recherchés des Etats-Unis dans les années 60, Franck Abagnale Junior.

Il est fascinant de noter que Steven Spielberg lui-même, ayant traversé le divorce difficile de ses parents à l'adolescence, a su transformer cette épreuve en force créatrice. Cette résonance personnelle avec l'histoire qu'il met en scène illustre comment nos expériences les plus douloureuses peuvent devenir le terreau de nos plus grandes réalisations.

C'est l'amygdale cérébrale, cette structure ancestrale nichée au cœur de notre cerveau, qui joue un rôle crucial dans notre réponse au stress. Comme l'expliquent LeDoux et Pine (2016), elle orchestre une combinaison de réactions qui peuvent soit nous paralyser _  à l'image de la première souris _  soit nous propulser vers la transformation  comme la seconde.

 

De la crème au beurre

 

Albert Camus écrivait : « Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été ». Cette image poétique trouve son écho dans les mécanismes de la neuroplasticité cérébrale. Nos expériences, même les plus éprouvantes, modifient littéralement l'architecture de notre cerveau (Davidson & Begley, 2020). La transformation de la crème en beurre n'est pas qu'une métaphore, elle illustre comment nos efforts persistants peuvent modifier la structure même de notre réalité.

 

La résilience face à l’adversité, un héritage ?

 

Nos capacités à transformer l'adversité en opportunité s'inscrivent dans un dialogue constant entre notre héritage et notre construction personnelle. Les travaux de Dweck (2017) sur la mentalité de croissance nous montrent que cette capacité de transformation n'est pas innée mais peut se cultiver. 

« Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui » dit Paul Ricoeur. Cette transformation nécessite souvent un regard extérieur, un accompagnement, une reconnaissance de nos capacités en devenir.

 

Au-delà de la métaphore, l'histoire des deux souris nous rappelle que face à l'adversité, nous avons toujours le choix. Non pas le choix des circonstances bien sûr, mais celui de notre réponse. Comme le jeune Franck Jr écartelé entre un père déclassé et pathétique, et une mère tantôt proche, tantôt lointaine, « ce qui importe n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous » (Sartre).

Plus qu'une histoire de persévérance, la transformation de la crème en beurre est une invitation à reconnaître notre capacité innée à transformer nos obstacles en opportunités, nos difficultés en forces. 

Une invitation à devenir, comme le suggérait Frank Abagnale, « la deuxième souris ».

 

Car au fond, comme nous le rappelle cette histoire, la résilience n'est pas tant dans notre capacité à résister qu'à nous transformer. Elle réside dans cette alchimie subtile qui transforme nos épreuves en expériences, nos obstacles en tremplins, notre crème en beurre.

 

Marie-Christine Abatte - Psychologue et thérapeute

 

Références

 

Davidson, R. J., & Begley, S. (2020). *The emotional life of your brain: How its unique patterns affect the way you think, feel, and live - and how you can change them.* Penguin Books.

 

Dweck, C. S. (2017). *Mindset: Changing the way you think to fulfill your potential.* Robinson.

 

LeDoux, J. E., & Pine, D. S. (2016). Using neuroscience to help understand fear and anxiety: A two-system framework. *American Journal of Psychiatry, 173*(11), 1083-1093. https://doi.org/10.1176/appi.ajp.2016.16030353

 

Citations littéraires et philosophiques référencées :

- Albert Camus, *L'Été* (1954)

- Victor Hugo, *Les Chants du crépuscule* (1835)

- Friedrich Nietzsche, *Le Crépuscule des idoles* (1888)

- Paul Ricœur, *Soi-même comme un autre* (1990)

- Jean-Paul Sartre, *Saint Genet : comédien et martyr* (1952)

 

Terminologie :

Plasticité cérebrale https://fr.wikipedia.org/wiki/Plasticité_neuronale 

Référence cinématographique :

Spielberg, S. (Réalisateur). (2002). *Catch me if you can* [Film]. DreamWorks Pictures.https://www.youtube.com/playlist?list=PLw0Bto8kaPJp_6tDO0IH5EbLkCUt0bb3r

https://fr.wikipedia.org/wiki/Steven_Spielberg

Lire l'article  

PANIQUE, UN CRITIQUE ETAT

Lisia est une aficionada[1] d’art taurin. Elle suit assidument _ le plus souvent avec toute sa famille _ les courses taurines de son village et des villages avoisinants, du printemps à l’automne. Malheureusement, elle n’a pas pu voir les taureaux passer devant la foule lors de l’encierro[2] ce dernier dimanche d’août. Un important vertige, la vision devenue floue et le souffle court, des battements de cœur très accélérés et une sensation d’oppression l’avaient amenée à terre, puis au poste de secours. 

Alitée pendant près d’une heure « comme dans le brouillard », après transpirations et tremblements, elle était rentrée chez elle, soutenue par sa famille mais encore oppressée et perturbée. Elle dit ne pas comprendre ce qui lui est arrivé. Certes, la foule dense, les records de chaleur, l’effervescence et l’enthousiasme étaient réels, mais rien qui pour Lisia puisse expliquer cette crise où elle a cru mourir. Peu après, le médecin des pompiers venu l’ausculter lui annonce « Vous avez eu une attaque de panique. »

Paniquer, vient de « panikos » en grec, qui renverrait au dieu Pan, le dieu « qui troublait les esprits[3] ». « Dans la guerre des Titans contre Jupiter, Pan fut le premier qui jeta la terreur[4] dans le cœur de ces Géants », un dieu « inspiré par les forces invisibles et mystérieuses de la nature. » 

La panique serait dans sa définition « une grande peur, une terreur qui survient de manière subite et violente, en troublant l'esprit et le comportement »[5] ; ou « une vive terreur, soudaine et irraisonnée, souvent dénuée de fondement qui affecte le plus souvent un groupe ou une foule, et provoque de grands désordres. »

 

 

Désordre troublant

 

On sait aujourd’hui que 5 à 30 % de la population connaitra une crise de panique au cours de sa vie, avec une proportion de 2 femmes pour un homme. Une attaque de panique (ou crise d'angoisse aiguë) est un épisode de peur soudaine et de haute intensité. L’attaque de panique n’est pas un trouble en tant que tel, mais les symptômes et manifestations de l’épisode-panique _ bien que délimité dans le temps _ peuvent être véritablement impressionnants. En effet, les personnes qui vivent une crise de panique ressentent pendant plusieurs minutes un sentiment de terreur, accompagné de symptômes physiques intenses. La durée totale d’une crise varie de quelques minutes à une heure, voire un peu plus, avec une moyenne de 20 à 30 minutes[6]. Pendant cet épisode, la personne atteinte a l’impression de ne plus du tout maîtriser la situation.

 

Sonner l’alarme

 

L’attaque de panique est un accès de peur ou de malaise intense, en une montée parfois très rapide et qui atteint son point culminant avec la manifestation d’au moins 4 symptômes tels que :

 

  • Des palpitations, des battements de cœur perceptibles ou accélérés
  • Sueurs
  • Tremblements
  • Sensations de dérobement des jambes (impression que l’on va tomber).
  • Essoufflement, souffle coupé, sensation d’étouffement
  • Gorge qui serre, sensation d’étranglement
  • Oppression ou gêne thoracique
  • Gêne abdominale
  • Vertiges, nausées
  • Frissons ou bouffées de chaleur
  • Sensation de fourmillements ou d’engourdissement (paresthésies)
  • Flottement, sensations d’irréalité (déréalisation)
  • Peur de perdre de contrôle, de perdre l’esprit
  • Peur de mourir

 

Non-dysfonctionnelle, l'attaque de panique est en réalité une réaction physiologique d'alarme qui permet à l’organisme de se préparer à faire face à un danger, qu’il évalue comme sérieux et immédiat. Il se déclenche alors un ensemble de manifestations, certes pertinentes mais potentiellement aussi désagréables qu’incomprises. 

 

Face à la menace

 

Face à une menace ou un danger, le système corps-esprit se met en état d’urgence vital absolu. Comme chez la plupart des mammifères, des manifestations biophysiologiques utilisent l’énergie et les ressources du sujet dans un objectif de survie. 

L’amygdale cérébrale _ cette petite zone cérébrale qui gère les émotions _ envoie un signal à l’hypothalamus, qui lui-même stimule le système nerveux pour que les glandes surrénales produisent plus d’adrénaline. Il y a accélération du rythme cardiaque (tachycardie), augmentation du rythme respiratoire pour plus d’oxygène (hyperventilation), une vasoconstriction au niveau de la peau (horripilation) déclenche le hérissement des cheveux et des poils[7]. Le sujet est pale car le sang est mobilisé stratégiquement, la pression artérielle est accrue. Un afflux massif de sang et de sucre arrive aux muscles pour agir, au cerveau pour réfléchir, au cœur qui est l’organe du combat, le tout en vue d’une action intense et imminente. 

La transpiration augmente pour « refroidir la machine », à contrario de certaines fonctions qui s’arrêtent momentanément, comme la digestion (péristaltisme). Il existe parfois des douleurs abdominales, voire des pertes d’urines ou de selles _ car en phase de menace, manger, digérer ou encore contrôler les sphincters n’est plus une priorité. 

L’énergie est utilisée ailleurs. 

 

Réflexes primitifs critiques

 

Le danger et la phase aiguë passés, des tremblements contribuent à l’évacuation du stress et des tensions. A noter que les tremblements et secousses musculaires _ souvent interprétés comme une manifestation de froid ou de peur _ permettent au contraire « d’éteindre la peur », en évacuant l’énergie mobilisée pour la situation critique.

Il existe plusieurs définitions de la « criticité » : Nous retiendrons qu’elle suppose de manière générale « d’amener un changement » ou encore « d’arriver à une phase finale » pour une pathologie[8] notamment. Elle peut inciter également à porter un regard sur « l’occurrence, la gravité et les conséquences » d’une situation _ pour résumer succinctement la méthode AMDEC[9] _ ou encore elle est une vigilance sur des « réactions en chaine non désirées » comme dans le domaine de l’ingénierie nucléaire par exemple. 

Toutes ces réactions physiologiques sont sous le contrôle du SNA[10] ou système nerveux autonome sympathique. Il s’agit de réactions justifiées et adaptées en situation de danger pour rendre possible l’une des deux options réflexes en cas de menace : la fuite ou l’attaque, en fonction des possibilités. Chaque crise de panique va donc mobiliser et puiser dans les ressources physiques et psychiques, laissant place à un intense épuisement.

 

 

Réactions en chaine ?

 

La fréquence et l’intensité des crises de panique peuvent devenir envahissante pour la vie de la personne qui les subit. Personnelle, sociale ou professionnelle, la vie peut devenir problématique et source d’inquiétudes, entraînant le sujet à vivre dans la peur constante d'un nouvel épisode de panique. 

 

Mario est employé d’agence bancaire. Il se réveille souvent en sueur au milieu de la nuit, le cœur battant la chamade, terrorisé mais sans raison apparente. Il a souvent des idées qui tournent en boucle, sa dernière angine _ il y a quelques jours _ lui avait amené des pensées tenaces et funestes de cancer de la gorge. Il se plaint de fréquentes palpitations cardiaques et craint l’infarctus. 

C’est son premier contrat de travail dans cette enseigne bancaire, après une longue période sans emploi, puis de remplacement et de missions de travail temporaire. Mario est fatigué par son sommeil fractionné mais ravi de cette opportunité, autant qu’il est conscient de l’enjeu : il s’installe bientôt avec Julia _ qui vient de découvrir sa grossesse _ et il doit passer positivement la barrière de la période d’essai pour remplir les conditions locatives de leur futur appartement. Mais en descendant dans la salle des coffres un matin _ un espace feutré qu’il connait pourtant très bien _ il avait senti ses mains trembler et « une pointe au cœur », convaincu de vivre le signe avant-coureur de la crise cardiaque tant redoutée. La pensée qu’il allait mourir et laisser Julia et son futur bébé seuls dans la vie l’avait terrifié.

 

Quand les attaques sont récurrentes et inattendues, on ne parle plus d’attaque isolée mais de trouble panique. Si ressentir de l'anxiété dans certaines occasions est tout à fait normal, on parle de « trouble panique » lorsque les crises de panique sont répétitives et imprévisibles. 

Le trouble panique fait partie de la grande famille des troubles anxieux[11]. Car dans le cas du Trouble Panique (TP), cette réaction n'est évidemment pas appropriée à la réalité puisque le danger n'est pas réel, mais plutôt perçu comme tel par la personne. Dans le trouble panique, il y a installation d’une crainte durable d’une nouvelle attaque, avec des comportements d’évitement, installant et verrouillant un cercle vicieux.

 

Seul ou combiné

 

Le DSM-5[12] recense le Trouble Panique (TP), et précise que ce trouble peut s’associer ou non à d’autres troubles (agoraphobie, stress post-traumatique…). Pour qu’il y ait Trouble Panique, il doit y avoir des attaques de panique récurrentes et inattendues comme évoquées plus haut, associées soit à une crainte persistante que surviennent d’autres attaques de panique ou de leurs conséquences (perte le contrôle, perdre l’esprit ou la vue, faire une attaque[13] etc…) ; soit à un changement de comportement significatif et inadapté en relation avec les attaques comme l’évitement par exemple (situations, lieux…).

La tétanie (contraction musculaire) et la spasmophilie (tendance aux spasmes) sont deux diagnostics souvent formulés après une crise d’angoisse plus ou moins spectaculaire. La plupart des chercheurs[14] pensent actuellement qu’elles sont des manifestations du Trouble Panique[15].

 

Anticipation

 

Éviter les espaces publics par exemple ne préviendra pas les attaques de panique. Au contraire, cela peut renforcer le principe d’évitement et le « chroniciser ». Aussi désagréable et impressionnante que soit une attaque de panique intense, elle ne dure en général que quelques minutes et n’entraine pas le décès. De même, il est impossible que la personne s'évanouisse, car l'organisme est hyper-activé. Si une crise survient, la meilleure chose à faire est de rester sur place et de respirer lentement jusqu’à ce que la crise s’arrête (quelques minutes). Cependant les manifestations physiques intenses et les interprétations « alarmistes » et démesurées de la personne augmentent l’angoisse[16] : Elle craint de s’évanouir, de mourir, de « devenir folle », de se trouver dans un monde irréel ou de perdre le contrôle d’elle-même, ainsi renforçant la réaction physiologique d'alarme et créant le cercle vicieux de l'attaque de panique : la personne développe une anxiété anticipatoire, que l’on pourrait résumer par « la peur d’avoir peur ».

 

Agora[17]

 

L’agoraphobie peut se coupler au Trouble panique. L’agoraphobie est définie comme l'appréhension démesurée de tous les endroits ou situations, dont on ne pourrait sortir facilement en cas de crise ou d'attaque de panique, et dans lesquels on ne pourrait pas être aidé ou secouru (lieux clos ou au contraire vastes espaces vides, locaux publics et grands magasins, foule, transports en commun, ascenseurs…). 

Ces situations déclenchent, chez la personne agoraphobe, des états d'anxiété et des malaises qui la limitent alors dans ses possibilités de déplacement.

 

 

Lisia a très mal vécu son épisode panique. Elle se disait en souffrance psychique depuis, de par l’incompréhension de son trouble. 

 

Nous avons travaillé sur « les interprétations catastrophistes » des manifestations physiologiques qu’elle traduisait plus ou moins inconsciemment comme le signal d’un danger vital.

Lisia comprends mieux ce qui se passe dans sa vie, et ce qui l’effraie. Elle a aussi porté un œil plus juste sur cet enchainement de manifestations, dont l’objectif concret est de donner « toute la puissance » à son système corps-esprit en situation « d’alarme apprise ». Elle a pris conscience de son discours intérieur, de l’origine de ses croyances dramatiques, et de ses stratégies de contrôle devenues inefficaces.

Elle a intégré des méthodes de retour au calme et appris à poser de la distance face à ses perceptions de situation et ses pensées dysfonctionnelles. 

 

Mario a saisi le mécanisme du programme d’hyper-vigilance qui tournait en boucle dans son esprit, « changé son Mindset » de lutte pour se sentir en sécurité. En intégrant que le danger n’existe que dans sa perception inconsciente de la situation comme « une affreuse certitude[18] », il a notamment appris à respecter ses limites et à se reposer, sans culpabilité.

 

Marie-Christine Abatte

Psychologue et thérapeute


 

[1] Aficionada (de l’espagnol « amateur ») :  Qui est passionnée, adepte de, fanatique.  Wikipedia.org

[2] Encierro (de l’espagnol « enfermement ») : Désigne le trajet des taureaux des corrales aux arènes, plus globalement il s’agit de lâchers de taureaux de Camargue sur un parcours clos. (…) Les villageois à pied excitent les taureaux et leur échappent en se réfugiant sur des ballots de paille ou derrière des barrières. Wikipedia.org

[3] Selon le dictionnaire de Littré (1872-1877)

[4] Régine Borderie « Sur la panique : mythe, figures, savoirs. » Dans Poétique 2011/2 (n° 166), pages 215 à 227

L’Histoire nous apprend que Pan, alors qu’il accompagnait Bacchus lors d’une expédition aux Indes, trouva le moyen de semer la terreur au sein de l’armée ennemie avec l’aide d’une petite compagnie et de ses clameurs dont il parvint à tirer un bon parti grâce à l’écho des parois rocheuses et des cavernes de cette vallée boisée. Les hurlements rauques renvoyés par les grottes, ajoutés à l’aspect repoussant de lieux aussi sombres et déserts, suscitèrent chez les ennemis un tel sentiment d’horreur que, parvenus à cet état, leur imagination les aida à entendre des voix et sans aucun doute à voir aussi des figures plus qu’humaines ; pendant ce temps-là, le caractère incertain de ce qu’ils redoutaient augmentait l’intensité de leur crainte et des regards furtifs la propageaient plus rapidement que n’importe quel récit. Voilà ce que les hommes ont après coup appelé une panique. https://www.cairn.info/revue-poetique-2011-2-page-215.htm

[5] « Et la pantomime éternelle de la terreur panique a si peu changé, que ce vieux monsieur à qui il arrivait une aventure désagréable dans un salon parisien, répétait à son insu les quelques attitudes schématiques dans lesquelles la sculpture grecque des premiers âges stylisait l'épouvante des nymphes poursuivies par le Dieu Pan. » Proust, Prisonn., 1922, p.317.

[6] AMELI : https://www.ameli.fr/gard/assure/sante/themes/trouble-panique/symptomes-diagnostic-evolution#:~:text=En%20cas%20de%20trouble%20panique,la%20répétition%20de%20l%27attaque.

[7] Principe biophysiologique, un mécanisme utilisé par les chats ou les oiseaux pour se montrer plus menaçants face à l’adversaire en situation de danger.

[8] Dictionnaire Littré, 1762

[9] L’AMDEC est l'Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité. L'AMDEC est un outil utilisé dans la démarche d’analyses et de prévention des risques. Elle identifie les points de défaillance d’un produit, d’un procédé ou d’un processus, qui sont susceptibles de compromettre la qualité ou de pénaliser la performance.

[10] Le SNA, système nerveux autonome, dirige les fonctions involontaires du corps, celles que le corps contrôle de lui-même. Il est composé d’un ensemble de neurones régulant les fonctions automatiques de l’organisme en modulant la respiration, le muscle cardiaque, les vaisseaux, les hormones. Il est composé de deux bras complémentaires, le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. www.neurocoach.fr

[11] Au XIXe siècle, connait l’accroissement de plaintes d’origine nerveuse où l’anxiété aigüe et chronique joue un rôle de plus en plus important. […] Bien que des symptômes d’anxiété aient été observés depuis longtemps, on considérait qu’ils faisaient partie des états de mélancolie, et ils étaient difficilement classés comme des troubles indépendants. Ce n’est qu’en 1879 que la psychiatrie a commencé à utiliser le terme technique de « panique mélancolique » (Pereira, 1997). Oliveira Dos Santos L., (2017) « Problématisation de l’apparition du trouble panique en psychiatrie » Nouvelle revue de Psychosociologie 2017/2 N°24 https://documentation.insp.gouv.fr/insp/doc/CAIRN/_b64_b2FpLWNhaXJuLmluZm8tTlJQXzAyNF8wMDgx/problematisation-de-l-apparition-du-trouble-panique-en-psychiatrie?_lg=fr-FR

[12] DSM-5 du 17/6/2015 : Le DSM-5, dernière et cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques (en anglais Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) de l'Association américaine de psychiatrie (APA, en anglais : American Psychiatric Association).

[13] Dans les années 1860, durant la guerre civile américaine, le médecin Jacob Da Costa s’est intéressé à un état clinique fréquent chez les soldats, qu’il a appelé « syndrome du cœur irritable » […] (ou névrose cardiaque), […] précurseur de ce que nous appelons aujourd’hui le « syndrome panique ». (Pereira, 1997). Oliveira Dos Santos L., (2017) « Problématisation de l’apparition du trouble panique en psychiatrie » Nouvelle revue de Psychosociologie 2017/2 N°24

[14] https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/sante-mentale/informer-sur-troubles-mentaux/troubles-mentaux/troubles-anxieux/trouble-panique-et-agoraphobie

[15] A ne pas confondre Spasmophilie, tétanie, épilepsie. Voir https://therapeutesmagazine.com/spasmophilie-tetanie-epilepsie-quelles-differences/

[16] La psychiatrie adopte la distinction entre Angoisse (du latin Angor), qui veut dire oppression et grande affliction, et anxiété (en latin anxietas), qui serait une prédisposition permanente.

[17] L’agora a d'abord désigné, dans la Grèce antique, une réunion de citoyens, ainsi que l'espace public où celle-ci a lieu. Cet espace public accueille plus généralement les activités sociales, politiques, commerciales, judiciaires ou encore religieuses de la cité. Le forum est l'équivalent romain de l'agora. Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Agora

[18] Lacan, J., « Le Séminaire » livre X, L’Angoisse, op. cit., p. 92 dans https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2013-2-page-94.htm

 

Lire l'article  

BAILLER : UN REVELATEUR DE FRAGILITE ?

Le bâillement vient du terme latin « badare », qui signifie « ouvrir la bouche ». Il est un geste d'origine réflexe ou semi volontaire. Tout homme bâillerait en moyenne au moins 250 000 fois au cours de sa vie. Le bâillement se manifeste déjà in utero _ dès la 11e semaine de grossesse _ et si l’on bâille beaucoup dans les premières années de vie, la fréquence décline jusqu'à la mort. Décrit par Hippocrate comme « une échappée de vapeur précédant les fièvres », ce phénomène est pour Darwin « un morceau de physiologie inutile » [1]  et pour Aristote, une « expulsion de superfluités mobiles »[2].

Je reçois simultanément Maxime et Amandine. Ou plus exactement Amandine, accompagnée de son fils Louis. Maxime a 38 ans, père de trois filles, il est cadre dirigeant dans une entreprise internationale de plasturgie. Il revient d’une croisière en Scandinavie avec son épouse.

Louis vient de finir sa 3e, et rentre en seconde à la rentrée. Il vient de valider son brevet des collèges, aime jouer aux jeux vidéo comme ses camarades. 

De prime abord, il n’y a aucun point commun entre Maxime et Louis. Pourtant ils viennent me trouver pour les aider à percer un mystère qui peut sembler anodin, mais qui les perturbe tous les deux manifestement : ils baillent.

 

Heureux qui communique ?

 

Ce qui exaspère Amandine, c’est que Louis baille bruyamment et bouche ouverte, souvent, très souvent. L'éducation associe le geste de porter la main ou le poing devant la bouche _ en un mouvement qui devient réflexe avec le temps _ car il est extrêmement impoli d'imposer à l'entourage une vision directe sur sa cavité buccale. De même, le savoir-vivre nous enjoint de bailler furtivement, et d’éviter la projection potentielle de postillons dans un geste discret. 

En plus de bailler souvent, Amandine trouve Louis « nonchalant », « désinvolte », il « se laisse vivre ». Elle le dit souvent « accroc » aux jeux vidéo. Et quand Amandine le lui fait remarquer, elle se plaint que Louis soit sur la défensive, insolent, ou fasse la sourde oreille. 

Amandine s’inquiète pour Louis, pour sa réussite scolaire, pour la dégradation de ses échanges avec lui, pour sa « crise d’adolescence ». Elle a peur qu’il se disperse, qu’il rate ses chances scolaires, et se laisse emporter par la paresse ou l’ennui. Ou pire, « qu’au lycée, il se démotive ».

 

La porte du diable

 

Du côté des croyances plus anciennes, voire des superstitions, le bâillement a été appréhendé par beaucoup de peuples dans l'Histoire comme une « crise périlleuse », ainsi que le révèle le dictionnaire infernal[3] du 19e siècle : En Espagne par exemple, les femmes se signent encore la bouche, « de peur que le diable n’y entre ». L’Europe du temps du pape Grégoire le Grand (vers 590), a connu une épidémie d'une peste maligne qui décima la population et engendra de nombreuses superstitions : « il était mortel de bâiller dans le temps de cette peste ; de là viendrait l'habitude de faire sur la bouche le signe de la croix quand on bâille[4] ».

Sur le site de référence sur le bâillement, Olivier Walusinski, médecin et spécialiste de ce phénomène, rapporte que L’Islam[5] percevrait également le bâillement comme un signe de l'entrée du diable, et dans l'éternuement un signe de sa sortie : « Le Prophète a dit que Satan s'efforce de divertir le fidèle en prière. C'est une épreuve infligée aux croyants. L'un des moyens employés par Satan pour divertir le fidèle (…) consiste à le faire bâiller de sorte à le détourner de sa prière. Le Prophète nous a informé lorsque le bâillement s'impose à nous, nous devons fermer notre bouche avec notre main. » 

De même, le médecin rapporte qu'en Inde, les Bhûts[6] sont censés apprécier entrer par la bouche. Il est alors considéré comme dangereux de bâiller, (…) c'est pourquoi il est recommandé de placer sa main devant sa bouche en disant « Mârâyan[7] ! », ou faire craquer ses doigts afin d’effrayer le mauvais esprit.

 

Tensiomètre

 

Tous les êtres dotés d'un système limbique connaissent le bâillement émotionnel associé au stress. Chiens et chats bâillent dans les salles d'attente du vétérinaire, parce qu'ils ressentent du stress, voire de l’angoisse. Il en est de même pour des sportifs avant une compétition, ou encore des étudiants avant un oral décisif _ comme après d’ailleurs, pour relâcher la pression. 

La pression, il semblerait que Louis en ait. La pression de parents certes inquiets, impliqués et bienveillants, mais qui transforment les repas en épreuve pour Louis. Il en est de même des trajets en voiture. Bientôt la rentrée, une période où Amandine planifie, contrôle, gère, pilote, stimule Louis, et tente de recadrer son temps de sommeil, d’écrans, de loisirs. 

Pour Maxime, c’est une période tendue aussi. Il indique avoir appréhendé la reprise après ses congés de fin d'été. Il se disait exténué et en épuisement, il avait certes négligé son sommeil les dernières semaines, et plus mal vécu la chaleur que les années précédentes. Il souligne avoir eu du mal à boucler ses dossiers, « avec des performances mentales au ralenti ».

Maxime rapporte « avoir baillé à s’en décrocher la mâchoire » dès le 2e jour de ses vacances. 

 

Thermorégulateur

 

Loin d’être aussi inutile que Darwin le présentait, il a à contrario pour le Docteur O. Walusinski[8] , « une influence sur la circulation du liquide céphalo-rachidien et donc sur les neurotransmetteurs ». Lors du bâillement la surface du pharynx et du larynx se dilate par quatre fois, la trompe d'Eustache se bouche, ce qui fait perdre brièvement de l'audition pendant quelques secondes ; de l'air frais pénètre jusque dans l’estomac, d'où la sensation de relâchement et de plénitude. 

Ainsi, le cerveau de Maxime se régule en tension et en température pour lui permettre de conserver sa lucidité et son calme, en quelque sorte de « garder la tête froide ». Celui de Louis possiblement aussi, un arc-réflexe aux vertus anti-stress et calmantes de l’émotion contenue, dans des moments où il se dit sous surveillance et comme dans une « toile d’araignée ».

 

Polymorphe

 

Des reptiles jusqu’aux primates et aux humains, les vertébrés des mondes marin, aérien et terrestre baillent[9]. On a constaté chez les poissons ou les reptiles, une sorte de bâillement dans les attitudes d'intimidation lors d'états de stress ou d'agressivité. Chez les mammifères nomades et grégaires, le bâillement a un rôle de cohésion sociale : « Il pourrait aussi s'agir d'un système de stimulation de notre vigilance, un signal nous alertant qu'il est temps de dormir ou de manger » (Dr O. Walusinski)Ainsi, l'individu qui baille signale possiblement son état de fatigue à ses congénères, qui l'imitent en un bâillement apparemment contagieux. Et le troupeau s'arrête pour récupérer des forces. 

Chez l'hippopotame ou le macaque, le mâle dominant bâille plusieurs fois avant l'accouplement. L'humain connait des bâillements comparables _ accompagnés d'étirements _ se manifestent comme l’expression d’un désir sexuel. Pour Pietro d’Abano[10], la contagion du bâillement serait le résultat du plaisir et du désir de bâiller éprouvés par l’estomac[11]. Le plaisir _ delectatio _ stimulerait l’imagination et la mémoire, le corps y trouvant une sorte de soulagement. Par ses recherches, le Dottore Pietro d’Abano avance qu’en voyant des personnes en train de s’accoupler ou de manger, nous nous souvenons du plaisir lié au coït ou à la nourriture, et nous serions poussés à faire de même ; ce qui se produirait également avec le bâillement[12], selon les écrits du médecin médiéval italien.

 

Echo

 

La science est aujourd’hui capable d’enregistrer l’activité de groupes de neurones par imagerie cérébrale fonctionnelle. Et aucune recherche n’a jamais réussi à prouver que le système des neurones miroirs ne soit effectivement impliqué dans la contagion du bâillement. Au contraire, il semblerait que notre propension à bâiller soit stable, quelle que soit la situation, et serait indépendante de l’empathie.

Pour Jackson[13] et ses collègues, bâiller est un « échophénomène », comme le fait de répéter inconsciemment les mots ou fins de phrase d’une autre personne, ou de reproduire ses gestes _ comme se gratter la tête instinctivement quand l’autre se gratte la tête. 

Chaque individu est plus ou moins sensible à ce type de mimétisme, qui dépendrait en réalité de différences d’excitabilité du cortex moteur[14].

 

Le cerbère de la vigilance

 

Maxime se dit sous tension, car plusieurs unités du groupe qu’il dirige sont en pleine restructuration. Il baille trop, et à des moments très inappropriés selon lui, moments où il devrait au contraire afficher investissement et concentration. Il ne comprend d'autant pas ces manifestations alors qu’il revient de vacances.

L’excès de bâillements est une plainte somatique assez fréquente. On le retrouve d’ailleurs au cours de nombreuses pathologies neurologiques : malaises vagaux, migraines, épilepsies, accidents vasculaires cérébraux… La théorie la plus consensuelle dans la communauté des neuroscientifiques, biologistes et éthologues sur la fonction du bâillement aujourd'hui est la stimulation de la vigilance. 

Le biologiste Andrew Gallup[15] s'appuie sur des données issues de la recherche animale. Ses recherches prouvent que chez les animaux évoluant en groupe, le bâillement servirait à les prévenir qu'un des leurs est fatigué et qu'ils doivent donc redoubler de vigilance afin de se protéger des prédateurs. 

Maxime est lui-aussi en alerte, son cerveau s’adapte au « danger » pour lui permettre de conserver son efficacité. Son retour au travail s’annonce effectivement tendu : un mouvement social s’est déclaré et il va devoir gérer. Et s’il lui est désagréable de bailler en pleine réunion d’orientation de la politique de l’entreprise, ses bâillements pourraient en réalité opérer à la manière d’un signal d'alerte pour lui et ses « congénères » professionnels[16] ".

Quant à Louis, il ne s’en plaint pas vraiment. Il évoque plus un automatisme. Alors que des salves de bâillements émaillent son discours, cela semble être plutôt une source de relâchement, de réconfort et de distanciation.

 

Fatigués ou désignés ?

 

Il convient de distinguer la fatigue à proprement parler _ qui est un état réversible, physiologique et utile _ et le surmenage qui est une fatigue chronique, permanente, pouvant conduire jusqu’à l’épuisement, en somme une fatigue possiblement irréversible. 

L’accompagnement de Maxime lui a permis de d’identifier certains signes plus ou moins discrets : Maxime _ et son épouse _ avaient déjà constaté une diminution de l’énergie, de la fatigue dès le matin avec un sommeil non réparateur, et une irritabilité croissante mais contenue. Maxime est exposé à ce que l’on appelle encore « la maladie des motivés », car son ennemi principal est en réalité lui-même. Il identifie mal sa souffrance _ une souffrance qui le déstabilise et le dérange _  il la néglige ou la minimise, et se met ainsi en danger inconsciemment. Son corps, lui, l'a bien compris.

Nous avons travaillé sur ses valeurs, ses idéaux de succès professionnel et d’accomplissement personnel, son degré d’épanouissement familial, de prospérité matérielle et financière. Maxime évolue dans une sphère industrielle, avec des journées marquées par les logiques de performance élevée et de rendement, d’urgence, de compétition, et parfois d’individualisme. Il a progressivement perçu son rapport à sa situation professionnelle mais aussi personnelle, en balance entre le surinvestissement et le désenchantement. 

 

Ainsi le bâillement de Maxime l’a amené à s’interroger sur ce qui était dissimulé à lui-même et multifactoriel. De même que travail amorcé avec Louis lui a permis de réaliser sa stratégie automatique de bâillements  _ compulsifs et auto-apaisants _  masquant une importante anxiété, ainsi que d’autres stratégies plus ou moins conscientes pour contrer la morsure anxieuse et une estime de soi altérée. 

Un autre travail a été entamé avec les parents de Louis. La clinique du couple parental a mis à jour la dynamique familiale des parents de Louis, masquant des tensions, des difficultés de communication et des frustrations. Ce qui a amené Louis à se retrouver porteur d’une mission bien connue des psychothérapeutes systémiciens[17], celle dite du « patient désigné ». 

Cette stratégie « chiffon rouge[18] » servant d’occupation voire d’exutoire, a un temps justifié la centration des parents de Louis sur ses « problèmes » en évitant de régler les leurs. Loin de leurs possibles « désaccords », les « cadrages » opérés par les parents de Louis « pour son bien » les mettaient en quelque sorte « en accord » donc en cohésion, dans une période de turbulences conjugales

Synonyme de fatigue ou d’ennui pour certains, manifestation impolie pour d’autres, le bâillement de Louis a servi de symptôme au patient désigné, lui-même porte d’entrée du système familial. 

Si le combat parental contre l’indolence de Louis a fait un temps diversion, en mettant en sourdine la conflictologie et la fragilité du couple conjugal, le comportement-problème de Louis les a protégé, de la dissonance[19], d’un possible éloignement, voire d’une rupture. 

Une stratégie psychique dont Louis n’avait évidemment pas conscience.

 

                                                                                                            — Marie-Christine Abatte, Psychologue et thérapeute ---


 

[1] Walusinski,O., Deputte B.L. “Le bâillement : phylogenèse, éthologie, nosogénie” https://www.em-consulte.com/article/104853/le-baillement%C2%A0-phylogenese-ethologie-nosogenie?OWASP-CSRFTOKEN=N5KJ-17BD-9KQR-G3C3-I4OH-0P3A-DNKI-5BRR

[2] Selon Pietro d’Abano https://www.cairn.info/revue-les-lettres-de-la-spf-2014-1-page-123.htm

[3] Dictionnaire infernal de Jacques Collin de Plancy (1794-1881). L’ouvrage du XIXe siècle relate que « Les femmes espagnoles, lorsqu'elles bâillent, ne manquent pas de se signer quatre fois la bouche avec le pouce, de peur que le diable n'y entre. Cette superstition remonte à des temps reculés ».

[4] Le Camus (1769)

[5] www.baillement.com

[6] Les Bhûts : Les esprits.

[7] Mârâyan : « Grand Dieu ! »

[8] http://baillement.com/Walusinski.html

[9] L’exception est la girafe, dormant très peu, de manière très sporadique et sans cycle de sommeil défini, et qui ne baille pas.

[10] Pietro d'Abano, né à Abano (1250-1316), est un médecin, philosophe et astrologue italien du Moyen Âge. 

[11] « Propter delectationem et concupiscentiam stomachi ad ossitandum »

[12] André Bolzinger, “ De la transmission du bâillement. Retour d’un débat médiéval dans un débat actuel”. Dans Les Lettres de la SPF 2014/1 (N° 31), pages 123 à 135

[13] Les travaux de Jackson viennent ébranler la théorie qui tend à affirmer que regarder ou entendre quelqu’un bâiller activerait un réseau cérébral associé à l’imitation motrice et à l’empathie, réseau qui renferme le fameux système des neurones miroirs. Ces derniers s’activent quand on réalise un geste ou quand on le voit faire, et sont nécessaires à l’empathie et à nos comportements sociaux. https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/neurosciences/pourquoi-le-baillement-est-il-contagieux-12688.php

[14] Les sujets portaient un casque de stimulation magnétique transcrânienne, ce qui permettait aux chercheurs d’enregistrer l’excitabilité et l’inhibition de leur cortex moteur primaire ou de le stimuler. Les enregistrements de l’activité corticale révèlent que l’excitabilité du cortex moteur et son inhibition prédisent la propension de chaque sujet à bâiller par contagion. En simplifiant, plus l’activité de cette région cérébrale est élevée, plus on a tendance à bâiller par contagion. Et si on augmente l’excitabilité du cortex moteur primaire par stimulation transcrânienne, les participants bâillent davantage. C’est donc l’activité de cette région corticale qui est responsable des bâillements contagieux.

[15] Andrew Gallup, biologiste de l'évolution de l'Institut polytechnique de l'Université de New York (États-Unis), voir ses travaux publiés en juin dans la revue Behavioural Brain Research, 

[16] Une adaptation efficace car la "contagion", ou plus exactement la reproduction réflexe, remonte aux observations du célèbre neurologue Jean-Martin Charcot en 1889, qui avait fait du bâillement un signe clinique, popularisées depuis par l'adage selon lequel "un bon bâilleur en fait bâiller sept. »  https://www.sciencesetavenir.fr/sante/le-baillement-mysterieux-gardien-de-la-vigilance_167171.amp

[17] Dans l’approche systémique, le psychologue s’intéresse à la façon dont les problèmes se manifestent dans le présent en relation au passé. Le but du psychologue systémique est d’amener un nouvel équilibre chez une personne ou un système dit “dysfonctionnel”. Pour ce faire, il utilisera les ressources personnelles et relationnelles des personnes en vue d’une découverte des nouvelles manières de fonctionner. Les origines de l’approche systémique remontent aux travaux de Gregory Bateson (années 1952 à 1962) et et à ceux de Paul Watzlawick et ses collègues du Mental Research Institute créé en 1962 à Palo Alto (California). 

[18] Agiter le chiffon rouge : Provoquer délibérément, référence à la tauromachie. https://fr.wiktionary.org/wiki/agiter_le_chiffon_rouge#:~:text=Locution%20verbale,-agiter%20le%20chiffon&text=(Sens%20figuré)%20Provoquer%20délibérément.&text=(Sens%20figuré)%20Mettre%20en%20avant,problème%20pour%20détourner%20l%27attention.

[19] Dissonance : réunion de sons dont la simultanéité ou la succession est désagréable. Manque d’hamonie.

Lire l'article  

Seul, un médecin est habilité à poser des diagnostics, prescrire ou supprimer un traitement médical. Si vous avez un traitement, poursuivez-le : n'arrêtez jamais un traitement médical sans l'avis de votre médecin. Les accompagnements dont il est question ici ne sauraient se substituer à un traitement ou à un suivi médical.